DROITS ET DEVOIRS DU DIRIGEANT D’ENTREPRISE
Monter son entreprise, c’est excitant… mais aussi un vrai parcours administratif ! Et si vous êtes perdu entre le greffe, l’INPI ou encore le guichet unique, rassurez-vous : vous n’êtes pas seul. La création ou la modification d’une entreprise implique une série de formalités incontournables — immatriculation, dépôt de marque, modification des statuts, etc. Le respect de ces démarches permet d’obtenir la personnalité juridique et d’assurer la conformité légale de l’entreprise, en application des articles L. 123‑1 et suivants du Code de commerce.
Le dirigeant d’entreprise joue un rôle central dans la stratégie et la représentation de la société. Mais il n’est pas seulement détenteur de pouvoirs : il est également soumis à des devoirs contraignants, dont tout manquement engage sa responsabilité. L’article L. 225‑51 du Code de commerce encadre par exemple ce rôle, notamment dans les SA. Mais quels sont réellement ses droits ? Et surtout, quels sont ses devoirs ?
QUI EST LE DIRIGEANT D’ENTREPRISE ?
Le dirigeant d’entreprise est la personne physique (ou parfois morale) chargée de gérer et représenter la société. Il peut être un gérant, un président, un directeur général, selon la forme juridique de l’entreprise. Son rôle est de prendre les décisions stratégiques, d’assurer la gestion quotidienne, et de représenter la société vis-à-vis des tiers. Il y a des types de dirigeants selon la forme juridique :
– SARL : le dirigeant est le ou les gérants, associés ou non.
– SAS / SASU : un président, avec parfois un directeur général.
– SA : un président du conseil d’administration et un DG.
– EI / micro-entreprise : l’entrepreneur est lui-même le dirigeant.
LES DROITS DU DIRIGEANT
Droit de représentation légale
Le dirigeant d’entreprise détient un ensemble de droits essentiels à l’exercice de ses fonctions.
Il dispose du droit de représentation et de gestion, ce qui signifie qu’il incarne légalement l’entreprise auprès des tiers. À ce titre, il peut conclure des contrats, ouvrir un compte bancaire au nom de la société, recruter des salariés, et gérer les opérations courantes. Ce pouvoir est en principe très large, sauf dispositions contraires prévues dans les statuts de la société qui peuvent encadrer ou limiter cette prérogative. Les articles L. 223‑18 (SARL) et L. 225‑56 (SA) du Code de commerce le confirment.
Droit à rémunération
La rémunération peut être prévue par les statuts ou approuvée par l’assemblée. Ce droit suppose aussi des obligations fiscales et sociales précises (déclaration URSSAF, bulletins de paie…).
En matière de rémunération, le dirigeant a droit à une contrepartie financière pour son activité, sauf exceptions spécifiques, notamment dans certaines structures comme les associations ou les SARL familiales. Cette rémunération peut revêtir plusieurs formes : salaire fixe, primes de performance, avantages en nature, etc. Elle est déterminée soit par les statuts, soit par une décision collective des associés, en fonction de la forme sociale et de la gouvernance de l’entreprise.
Droit à une protection sociale
Le dirigeant bénéficie également d’une protection sociale adaptée à son statut juridique. Par exemple, un gérant majoritaire de SARL relève du régime des travailleurs non-salariés (TNS), tandis qu’un président de SAS ou de SASU est assimilé salarié et dépend du régime général de la sécurité sociale. Ces différences ont des incidences importantes sur les cotisations sociales et sur le niveau de couverture en matière de retraite, de maladie ou de prévoyance.
La délégation de pouvoirs
Le dirigeant peut recourir à la délégation de pouvoirs. Il peut ainsi confier certaines responsabilités à des collaborateurs ou à des cadres dirigeants, comme un directeur général ou un responsable opérationnel. Cette faculté permet de répartir les charges de travail, tout en maintenant une obligation de contrôle sur les actes délégués. Il demeure responsable devant les organes de contrôle ou les associés, même lorsque des décisions sont prises par délégation.
LES DEVOIRS DU DIRIGEANT
Devoir de loyauté
Le dirigeant doit agir dans l’intérêt de la société, avec loyauté envers les associés et sans se servir de sa fonction pour son propre profit. Le détournement de fonds ou les conflits d’intérêts peuvent engager sa responsabilité. La jurisprudence est constante, notamment Cass. com., 27 fév. 1996, pour sanctionner les détournements d’opportunité.
Obligation de gestion prudente et diligente
Il doit gérer l’entreprise « en bon père de famille » : faire preuve de prudence, d’anticipation et d’analyse dans ses choix. Une gestion imprudente ou hasardeuse peut être sanctionnée.
Le tribunal peut interdire à un dirigeant de diriger, gérer ou contrôler une entreprise pendant une durée déterminée, en cas de faillite frauduleuse ou de gestion défaillante.
L’article 223‑22 du Code de commerce et l’article 1850 du Code civil imposent une gestion sérieuse dans une SARL : respecter les lois, les statuts, agir avec diligence. En cas de manquement grave (ex. : non-déclaration de cessation de paiements pendant 45 jours), Cass. Com., 5 fév. 2020, n°18‑15.072 retient la faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif.
Devoir de vigilance
Avec la transposition prochaine de la directive européenne sur le devoir de vigilance, le dirigeant devra formaliser des procédures pour prévenir les risques éthiques, environnementaux ou sociaux.
Devoir d’information envers les associés/actionnaires
Il doit rendre compte de sa gestion, organiser des assemblées, présenter les comptes annuels, informer sur la stratégie et les risques éventuels.
Il doit veiller au respect des règles comptables, fiscales, sociales (déclarations, paiements de charges, etc.). L’omission ou la fraude peuvent entraîner de lourdes sanctions.
LES RESPONSABILITÉS DU DIRIGEANT
Responsabilité civile
Le dirigeant peut voir sa responsabilité engagée si trois conditions sont réunies : faute, préjudice, lien de causalité. L’action peut être intentée par la société (action ut universi) ou par un associé (action ut singuli). En cas de liquidation pour insuffisance d’actif, le juge peut imputer les dettes aux dirigeants responsables.
Responsabilité pénale
L’abus de biens sociaux (articles L. 241‑3 et L. 242‑6 du Code de commerce) expose le dirigeant à 5 ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende. D’autres infractions (faux en écriture, banqueroute, travail dissimulé, manquements à la sécurité…) relèvent du pénal.
